Des agents du Pentagone mènent l'enquête
Publié le 22/09/2013
Par SYLVIE MOLINÈS
| HISTOIRE |
Venue tout droit de Washington (États-Unis), une délégation du Pentagone a fait escale à Wavignies. Elle a effectué des recherches, pour identifier un soldat disparu en 1944.
La localisation de chaque débris pouvant provenir du bombardier a été marquée par un drapeau jaune.
Des silhouettes armées de détecteurs de métaux sillonnant un champ, déposant ici et là de petits drapeaux jaunes : la scène a dû surprendre, vendredi et samedi, les automobilistes circulant sur la RD 916, à hauteur de Wavignies. Ils l'auraient certainement été encore davantage, en apprenant qu'il s'agissait là de membres du Pentagone, le département de la Défense des États-Unis !
Arrivés en France le 4 septembre dernier, ces Américains se sont rendus sur le Plateau picard pour une raison bien précise : enquêter sur le lieu du crash d'une « forteresse volante », abattue le 11 février 1944 par les Allemands, au retour d'une mission de bombardement.
« Ces personnes travaillent pour le bureau des disparus, spécialisé dans la recherche des 73 000 hommes tombés au combat sur les différents théâtres d'opération de la Seconde Guerre mondiale et dont les corps ne furent jamais retrouvés, explique Dominique Lecomte, le contact français de cette délégation. Ces soldats ne possèdent pas de tombes connues. Seuls leurs noms sont inscrits sur les murs des disparus des innombrables cimetières militaires américains de la planète. Près de 70 ans après la fin de la dernière guerre, le gouvernement américain les recherche toujours. »
Passionné d'histoire et d'aviation, Dominique Lecomte, originaire d'Erquery, s'attache depuis près de quinze ans à retracer le parcours des équipages qui se sont écrasés dans la région durant la seconde guerre. Des recherches qui l'amènent à prendre contact outre-Atlantique avec les familles de ces soldats ; certaines finissant même par venir en France pour se recueillir.
« J'ai été contacté via un forum, début juin, par une historienne américaine travaillant au Pentagone, Christine T. Cohn, poursuit Dominique Lecomte. Son intérêt se portait sur un cas très précis, celui d'une « forteresse volante » américaine du 306 th bomb group, abattue le 11 février 1944 aux abords de Wavignies. »
Sur les dix membres de l'équipage, six seront recueillis par la population et parviendront à rejoindre l'Angleterre. Trois seront faits prisonniers par les Allemands. Seul le sergent James H. Coleman, occupant la position de mitrailleur de tourelle ventrale, perdra la vie.
« Son corps ne fut jamais réellement retrouvé et identifié, bien que quelques fragments furent inhumés par les Allemands au cimetière militaire de Beauvais-Marissel. Après la Libération, sa tombe fut relevée par les autorités américaines. Mais les quelques ossements ne permirent pas son identification formelle. De ce fait, cet aviateur fut déclaré disparu au grand désarroi de ses parents et de sa femme. »
Des petits morceaux d'os ou de dents
Pour tenter d'identifier avec certitude ce soldat, la délégation américaine s'est donc rendue durant deux jours à Wavignies, après avoir mené d'autres missions similaires en Basse-Normandie. Accueillis en mairie par Michel Goes, le maire, les Américains ont pu tout d'abord rencontrer deux témoins du crash (voir ci-dessous).
La délégation s'est ensuite rendue jusqu'au lieu de l'accident, un champ appartenant au conseiller général Alain Vasselle. Un site qu'ils ont passé au peigne fin, à la recherche de débris provenant de l'avion. Photos, coordonnées GPS, les relevés ont permis d'élaborer des cartes.
« Un second bureau, composé d'archéologues et d'anthropologues, devra décider s'il convient par la suite de réaliser ou non des recherches plus approfondies, a pu expliquer Christine T. Cohn par la bouche de son interprète. Il reste toujours des petits morceaux d'os ou de dents sur les sites d'écrasement, susceptibles de contenir des traces ADN. » Des recherches supplémentaires qui, même si elles sont autorisées par le gouvernement américain, n'auront pas lieu avant des années.
SYLVIE MOLINÈS
Deux témoignages
Les témoins du crash ont été interrogés. Parmi eux, Lucien Bertin, 17 ans en 1944, résistant comme son père, il se souvient encore du bruit de l'explosion : « Nous nous sommes immédiatement dirigés vers le lieu du crash afin de porter secours aux aviateurs. Mais les Allemands étant déjà là, nous n'avons pas pu nous approcher. » Michel Cazier, 12 ans en 1944, a lui aussi encore en mémoire l'image de ce bombardier dont l'un des moteurs a lâché au-dessus du village. « Il a explosé en touchant le sol, il y avait des morceaux éparpillés partout. »